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Nombre de copie UNE
MONSIEUR JORGE BARREBECHEA ABERASTURI
Monsieur :
mon souhait ainsi que celui de mes frères
est de continuer à vous remettre un résumé d'information
qui, bien qu'avec une multitude d'additions, d'omissions et de retouches
dans sa forme, constitue un indice testimonial de notre opinion sur les
formes socio-politiques et culturelles actuelles de l'astre froid Terre.
Le résumé que nous allons continuer à vous remettre est composé de deux parties pas très
précisément définies : dans la première nous
exposons l'état présent du réseau social humain terrestre.
Celle-ci ne vous intéresse peut-être pas grandement, puisque
beaucoup des nouvelles et des données qu'elle contient vous sont
parfaitement familières.
Beaucoup de nos opinions sont exposées
de manière explicite et avec une clarté beaucoup plus grande
par des commentateurs, des journalistes, des penseurs et des spécialistes
de sciences sociales de la Terre, de sorte que les rappeler dans cet écrit
pourrait être inutile, et serait stérile, si ce n'était
parce que pour certains de vos frères cela pourrait leur sembler
intéressant, à titre de simple curiosité, de connaître
jusqu'à quel point de telles opinions sont partagées par
nous et quel est notre point de vue impartial sur le sujet.
N'appartenant pas au réseau social
terrestre, nous sommes en mesure d'évaluer avec une certaine dose
d'impartialité les institutions qui régissent aujourd'hui
vos frères.
Notre "critique" ne doit pas être considérée comme
telle. N'appartenant pas à votre propre espèce biologique,
il pourrait peut-être sembler humiliant que nous nous consacrions
à couper au scalpel dans les tissus de la chaîne sociale
d'autres êtres pour, avec un air doctoral, aller découvrir
les tares, les tumeurs, les néoplasies et les cellules nécrosées
qui endommagent ses structures histologiques, puisque en fin de compte
c'est à cela que ressemblent les différents modèles
de réseaux sociaux humains dont vous-même et jusqu'aux animaux
inférieurs faites partie.
Croyez-moi bien, Monsieur Barrenechea, nous
sommes les premiers affligés par notre impuissance. Nous voudrions
pouvoir présenter un rapport moins sombre ; nous aurions voulu
trouver ne serait-ce qu'un système ou idéologie de la Terre,
qui en se cristallisant dans la praxis, aurait été parfait
et aurait évincé les autres. Mais ce serait vous tromper
et déformer la réalité scientifiquement observable
si nous ne vous dévoilions pas les taches et parfois les ombres
sinistres qui ternissent chacune de ces structures idéologiques.
Nous ne savons que trop que notre analyse
est froide et dépourvue de toute polarisation émotionnelle
en faveur d'une quelconque idéologie et système de la Terre.
Nous ne vous jugeons que sur des faits établis, non sur les idées
en tant que telles. Toutes les constellations idéologiques de vos
brillants penseurs possèdent la beauté de la spéculation
fulgurante, mais généralement non basées sur des
raisonnements scientifiques, sur des lois empiriquement vérifiables
et traduisibles en formules mesurables. Il est certain que vos sociologues
actuels vont utiliser pas à pas des techniques sociométriques
avant de définir les phénomènes de caractère
humano-collectif, mais les conceptions en vigueur qui régissent
actuellement les formes collectives de vie en commun, comme peuvent être
les formes différentes de démocratie, les socialismes de
types distincts, les fascismes, les conceptions totalitaires et libérales,
sont engendrées plutôt de façon instinctive, romantique,
viscérale, ou intuitive par les génies qui les créent,
que basées sur le calcul et la froide analyse soigneuse des phénomènes
sociaux. Le paléoencéphale des hommes de la Terre l'emporte
sur le cortex. Le vécu et l'émotionnel oppriment la méthode
et le rationnel. Le sentiment magique prédomine chez vous, passant
devant la patiente recherche statistique qui vous sortirait du marasme
et de la souffrance.
Quand vous-mêmes lisez ceux de nos
rapports qui concernent vos propres conceptions religieuses et politiques,
vous ne pouvez sûrement pas éviter
un certain sentiment de malaise quand ils affectent des idées profondément enracinées et chères à votre propre MOI. Vous les hommes de la Terre, les critiques sur vos propres conceptions, mûries à travers de longues années d'influence des moyens de diffusion, des éducateurs, des amis et des familiers, et de l'observation de l'environnement ambiant, vous blessent plus que les analyses sur votre propre personnalité.
Et il est logique que cela se passe ainsi, et c'est pour nous élogieux puisque ceci démontre que l'égoïsme de l'être humain de la Terre n'est pas aussi développé que vous le croyez vous-même.
C'est pourquoi un lecteur canadien de nos lettres, nous a dit il y a peu d'années dans une conversation téléphonique :
"Je ne sais pas qui vous êtes, mais j'aimerai bien savoir pour qui diable vous êtes...."
Effectivement celui-là de vos frères a pressenti la vérité "nous ne sommes pour
personne" nous n'avons aucune doctrine à vous offrir, qui puisse vous servir.
Quiconque nous identifierait à un groupe
religieux ou politique ou financier ou philosophique, scientifique ou
récréatif, commettrait une erreur naïve et compréhensible
que d'une certaine façon nous aimerions réfuter.
Dans ces derniers rapports, nous nous limitions
à vous présenter comme un reflet vos propres conceptions.
Si l'image ne vous plaît pas, croyez-moi, vous Monsieur Jorge, la
faute n'en n'est pas au miroir.
Devez-vous déduire de nos analyses
que les idéologies en vigueur sur la Terre sont également
à rejeter, à cause des aberrations qu'elles portent dans
leurs conceptions respectives ?
Nous vous répondons catégoriquement que non. Nous ne vous dévoilerons rien de nouveau si nous vous
affirmons qu'elles peuvent toutes se situer dans une échelle de
valeur dont le critère de mesure soit le résultat que ces
différents systèmes ont donné dans la pratique. Ceci
disqualifie automatiquement non seulement l'éclat de l'exposé
de beaucoup de ces idéologies qui en théorie possèdent
une brillance intellectuelle indubitable qui passionne ses partisans,
mais encore TOUTES les nouvelles IDÉOLOGIES qui viennent à
peine de naître parmi vous, tant qu'elles n'auront pas été
soumises par voie empirique à une sévère analyse
par un processus long et patient.
(Observez que ce principe nous empêcherait
de vous proposer n'importe quel type de DOCTRINE bâtarde, ou de
vous suggérer de transplanter sur Terre nos propres conceptions
socio-politiques).
Si l'un d'entre vous nous demandait laquelle
des formules de gouvernement en vigueur doit être considérée
comme valide, nous lui suggérerions : "ami, continue d'accepter
la tienne propre, mais soumet la à une analyse rigoureuse". Respecte-t-elle
l'être humain et sa capacité de création et de développement
mental ? Protège-t-elle tous les citoyens sans distinction de croyances
ou de caractéristiques raciales ? Favorise-t-elle la culture, la
recherche et l'étude par rapport aux autres domaines de moindre
importance ? Respecte-t-elle déclaration des droits de l'homme
des conventions internationales ? Utilise-t-elle la violence pour réprimer
les justes aspirations de justice ? Pense-t-elle que maintenir l'ordre
par la force, et non au moyen de la persuasion et du consensus populaire,
est plus important que la justice sociale ? Base-t-elle son système
économique seulement sur le bien-être ?
Ces questions formulées et satisfaites
de manière objective vous donneront, ami, une mesure de fiabilité
approchée pour cataloguer l'idéologie dans cette échelle
de valeurs.
Il n'appartient à personne d'autre que vous de choisir, éclairé par votre propre conscience et l'échelle des valeurs morales, la forme la plus juste parmi celles existantes. Nous n'allons pas l'indiquer aux hommes de la Terre. Nous oserons seulement vous assurer que :
CE QUI EST COMPLÈTEMENT À REJETER C'EST JUSTEMENT L'ASEPSIE IDÉOLOGIQUE: le renoncement à contribuer par son propre effort à un RÉSEAU SOCIAL plus JUSTE. L'inhibition de celui qui vit frileusement en tournant le dos au compromis ci-exposé doit lui valoir d'être extirpé, au cas où les efforts de récupération seraient vains, de la société où il vit puisqu'il a cessé d'être un être humain pour se transformer en une structure biologique sans vie.